en illustration: oeuvres de Olivier Valsecchi

A l'origine des sentiments

Les jugements, critiques, diagnostics et interprétations portant sur autrui sont autant d'expressions détournées de nos besoins. Si quelqu'un dit:

"Tu ne me comprends jamais",

il ne nous dit en réalité que son besoin d'être compris n'est pas satisfait. De même une épouse qui déclare à son mari:

"Tu rentres tard du travail tous les soirs depuis une semaine. Tu aimes + ton travail que moi"

dit en fait que son besoin d'intimité n'est pas assouvi.

Lorsque nous exprimons indirectement nos besoins en passant par des jugements, des interprétations et des images, l'autre risque d'entendre une critique. Et lorsqu'il entend quelque chose qui ressemble de près ou de loin à une critique, il a tendance à mettre toute son énergie dans l'autodéfense ou la riposte. Si notre souhait est de recevoir de l'autre une réponse empathique, il est contre-productif d'exprimer nos besoins sous forme de jugement sur son comportement. En revanche, mieux nous parviendrons à associer nos sentiments à nos besoins, mieux l'autre pourra y répondre avec empathie.

Malheureusement, beaucoup d'entre nous n'ont jamais appris à raisonner en termes de besoins; lorsque nos besoins ne sont pas satisfaits, c'est généralement sur les défaillances de l'autre que nous nous concentrons. Si par ex des enfants laissent leur manteau sur le canapé alors que leur mère voudrait qu'ils les accrochent dans la penderie, elle les qualifiera de paresseux. De la même façon, nous aurions tendance à taxer nos collègues d'incompétence lorsque leurs méthodes de travail ne correspondent pas à ce que nous attendons.

Je fus un jour invité en Californie du Sud comme médiateur entre des propriétaires terriens et des ouvriers agricoles immigrés, opposés dans des conflits de + en + vifs et violents. Au début de la réunion, je leur posai 2 questions:

"Quels sont vos besoins respectifs? Et que souhaiteriez-vous demander à l'autre partie par rapport à ces besoins?"

"Le problème, c'est que ces gens-là sont racistes!" tonna un ouvrier agricole.

"Le problème, c'est que ces gens-là ne respectent pas la  loi!" rétorqua un propriétaire terrien.

Comme c'est souvent le cas, ces groupes étaient + habiles à analyser les torts des autres qu'à exprimer clairement leurs besoins.

Dans une situation comparable, j'ai rencontré un groupe d'Israéliens:

"Vous vous comportez comme une bande de nazis!" Ce n'était certes pas ce type de déclaration qui allait lui attirer leur coopération!

Presque aussitôt, une Israélienne se leva d'un bond et répliqua:

"Mukhtar, ce que vous venez dire manque tout à fait de tact!"

Ces gens s'étaient réunis pour bâtir un rapport de confiance et travailler ensemble en harmonie, mais il avait suffi d'un échange pour envenimer la situation. C'est souvent ce qui arrive lorsque les individus sont + habitués à critiquer autrui qu'à exprimer clairement leurs propres besoins. Dans ce cas précis, la femme aurait pu répondre au mukhtar en se focalisant sur ses besoins et en formulant une demande:

"J'ai besoin de + de respect dans notre dialogue. Au lieu de nous dire comment vous pensez que nous nous comportons, voudriez-vous nous dire ce qui, dans ce que nous faisons, vous dérange?"

J'ai constaté à maintes reprises qu'à partir du moment où les gens parlent de leurs besoins plutôt que des torts des autres, il devient beaucoup + facile de trouver des moyens de satisfaire tout le monde. Voici quelques-uns des besoins humains fondamentaux que nous avons tous en commun.

Autonomie

• liberté de choisir ses rêves, ses projets de vie, ses valeurs

• liberté de choisir son plan d'action pour réaliser ses rêves, ses projets de vie, ses valeurs

Célébration

• célébrer la création de la vie et les rêves réalisés

• célébrer le deuil des êtres chers, des ambitions déçues, etc...

Intégrité

• authenticité

• créativité

• estime de soi 

• recherche de sens

Interdépendance

• acceptation

• amour

• appartenance communautaire

• appréciation

• chaleur humaine

• compréhensoin

• confiance

• contribution à l'épanouissement de la vie (exercer pleinement ses talents au service de la vie)

• délicatesse, tact

• empathie

• honnêteté, sincérité (la sincérité qui sert notre liberté d'action en nous permettant de tirer les leçons de nos propres limites)

• proximité

• respect

• sécurité (affective, matérielle, etc...)

• soutien

Besoins physiologiques

• abri

• air

• eau

• expression sexuelle

• mouvement, exercice

• nourriture

• protection contre les agents qui menacent la vie: virus, bactéries, insectes, animaux prédateurs (notamment les être humains)

• repos

• toucher, contact physique

Jeu

Communion spirituelle

• beauté

• harmonie

• inspiration

• ordre

• paix

Marshall B. Rosenberg

proposé par mamadomi

rééd° du 13 09 12

Eternal embrace, Beau Deeley

Augustin nous fait saisir en profondeur le vécu de la réalité humaine: l'homme est un immense élan amoureux et un être doué d'une âme qui ne doit rien à la matière, dont elle ne peut sortir. Quant au temps de l'homme, il est marqué par la précarité. Si le temps de l'homme est fugace, Dieu est intemporalité absolue.

Dans ce célèbre texte, aux formules brillantes (Nondum amabam et amare amabam: je n'aimais pas encore et j'aimais à aimer), Augustin raconte ses années de jeunesse. Il allait "aux abîmes". Il eut d'ailleurs, à 17ans, un fils, Adéodat, d'une femme avec laquelle il vécut.

Je vins à Carthage, et partout autour de moi bouillait à gros bouillons la chaudière des amours honteuses. Je n'aimais pas encore et j'aimais à aimer dévoré du désir secret de l'amour, je  m'en voulais de ne l'être pas + encore. Comme j'aimais à aimer, je cherchais un objet à mon amour, j'avais horreur de la paix d'une voie sans embûches. Mon âme avait faim, privée qu'elle était de la nourriture de l'âme, de vous-même, mon Dieu, mais je ne sentais pas cette faim. J'étais sans appétit pour les aliments incorruptibles, non par satiété, mais + j'en étais privé, + j'en avais le dégoût. Et c'est pourquoi mon âme était malade et, rongée d'ulcères, se jetait hors d'elle-même, avec une misérable et ardente envie de se frotter aux créatures sensibles. Mais si ces créatures n'avaient pas une âme, à coup sûr, on ne les aimerait pas.

Aimer et être aimé m'était bien + doux, quand je jouissais du corps de l'objet aimé. Je souillais donc la source de l'amitié des ordures de la concupiscence; j'en ternissais la pureté des vapeurs infernales de la débauche. Repoussant l'infâme, je brûlais dans mon extrême vanité de faire l'élégant et le mondain. Je me ruai à l'amour où je souhaitais être pris. Mon Dieu, qui m'avez fait miséricorde, de quel fiel, dans votre bonté, vous en avez arrosé pour moi la douceur! Je fus aimé, j'en vins secrètement aux liens de la possession, et mon bonheur fut pris dans un réseau de tourments: je fus battu des verges brûlantes de la jalousie, des soupçons, des craintes, des colères et des querelles.

Saint Augustin    

Sabina Nore

proposé par mamadomi

Sauzet

Les six âges du couple

Dans les histoires d'amour classiques, les regards se croisent à travers la foule. Deux êtres tombent amoureux, se marient et construisent un foyer.

Mais que se passe-t-il après:

"Ils furent heureux jusqu'à la fin de leurs jours?"

Notre culture offre quelques points de repères - les fiancailles, le mariage, le baptême -mais tous les couples n'ont pas envie de suivre ce schéma. Sans un bon modèle de ce que vous pouvez attendre, comment savoir si les problèmes que vous rencontrez dans votre couple sont inhérents à l'évolution de la relation ou s'ils indiquent une faille fondamentale de votre relation? Malheureusement, ni les psychologues ni les sociologues ne nous éclairent sur ce point. Ils ont concentré leur énergie sur l'étude des couples qui échouent, ignorant complètement les gens heureux. La plupart des couples sont donc abandonnés dans le brouillard, se comparant à leurs amis sans jamais vraiment comprendre la nature de la relation amoureuse.

Au début des années 1990, quand j'ai commencé à recevoir des couples homosexuels, j'avais encore moins d'informations à leur fournir sur ce qui se passe dans leur cas après le 1er échange de regards. J'ai donc commencé à me documenter et j'ai découvert une étude de David Mc Whirter et Andrew Mattison (The Male Couple, Prentice Hall, 1984). Ces derniers ont suivi 156 couples homosexuels, âgés de 20 à 69ans, pendant plusieurs années en Californie.

Aucun de ces couples ne suivait de thérapie, ce qui les rendait + représentatifs de la population générale. McWhirter et Mattison ont rapidement repéré des schémas de comportement. Ils ont poursuivi en identifiant une série d'étapes clés que traversaient ces couples gays, comportant chacune ses problèmes et ses questions spécifiques. En m'appuyant sur ma propre expérience de conseiller, j'ai adapté ce modèle et jugé bon de présenter mes découvertes à des collègues. Il nous est apparu évident que ces différents stades pouvaient s'appliquer aux couples hétérosexuels. En mettant de côté toutes les attentes sociales sur la façon dont les couples sont censés évoluer, nous avons pu révéler les schémas sous-jacents du développement réel du couple.

Pour aller du 1er "je t'aime" à une vie entière passée à 2 se découpe en 6 âges, chacun comportant ses propres obstacles et ses leçons permettant de maintenir l'amour en vie; dans certains cas, les couples interprètent les questions qui se posent naturellement au passage d'un âge à un autre comme un échec personnel ou comme une perte du sentiment amoureux. Mais, en réalité, l'attachement amoureux n'a fait que passer à une autre étape en se modifiant subtilement. D'autres couples sont simplement restés coincés à une étape du voyage ou l'un des partenaires est passé à l'âge suivant + rapidement que l'autre, creusant un fossé dans les comportements et les attentes des 2 partenaires. On pourra explorer chacun de ces âges en se penchant sur les connaissances à acquérir:

- la fusion (entre 12 et 18mois), se laisser aller...

- l'installation (la 2è et éventuellement la 3è année), se disputer!!...

- l'affirmation de soi (3è et 4è année), ...et le compromis...

- la collaboration (de la 5è à la 14è année env.), la générosité...

- l'adaptation (de la 15è à la 25è année), é-cou-ter!!

- le renouvellement (de la 25è année à 50ans et plus...), la patience...

Alexandra Manukyan, peintures

Chaque couple a son propre rythme et chaque âge a sa saison.

Bien que chaque histoire d'amour soit différente et sujette à ses propres circonstances, suivre le schéma classique facilite le voyage.

Pendant les périodes de tension, l'un ou les 2 partenaires vont parfois retourner à une étape antérieure. Une fois rassuré, le couple pourra reprendre naturellement sa route.

Les problèmes naissent quand on présume que son partenaire a toujours les mêmes besoins qu'au début, mais les changements modifient notre personnalité comme nos attentes.

Rester coincé à une étape sans en tirer les leçons risque de mettre le couple en danger.

Les couples "Je T'Aime Mais..." trouvent souvent l'âge de l'affirmation de soi difficile parce qu'ils préfèrent se concentrer sur les besoins du couple que sur ceux de l'individu.

Comprendre "les six âges du couple" est le 1er pas à effectuer pour diagnostiquer certains problèmes cachés derrière une crise JTAM. Le premier pas peut conduire à l'autoroute menant à une relation épanouie.

à suivre...

Andrew G. Marshall

par Sand, son blog

proposé par mamadomi

Hop! de l'exercice

Ben oui, quoi on s'encroûte parfois, non?

- ah bon...

alors pour ceusses qu'ont l'impression de s'enliser pchouya*....

*un ptit peu

      Précédemment

Faire le point sur la journée  d'hier, en repensant tout ce qui s'est passé entre vous et votre partenaire:

 - En commençant par le réveil, dressez une liste par écrit, en colonne. Voici un ex de liste type: petit déjeuner, se préparer pour aller au travail, se dire aurevoir, se téléphoner au bureau, dîner ensemble, parler de la journée, regarder la télévision. Pour le week-end, la liste sera + longue et + personnalisée.

- Ensuite, reprendre la liste en vous demandant ce qui a nourri votre attachement amoureux.

- Faire une marque en face de tout ce qui est positif, en vous assurant que l'événement a véritablement renforcé vos liens. Par ex, un coup de téléphone sans motif précis peut être inclus, mais un appel téléphonique pour demander à votre parteniare de passer prendre quelque chose pour vous ne compte pas.

- Y a-t-il des choses que vous pourriez changer afin qu'elles nourrissent votre attachement amoureux? Par ex vous pourriez lui masser les pieds en regardant la télévision ou lui laisser un jus d'orange pressée sur la table de la cuisine qu'il ou elle trouvera à son réveil.

- Pouvez-vous ajouter un geste attentionné le lendemain, comme lui couler un bain ou lui envoyer un texto sexy?

- y a-t-il quelque chose sur la liste que vous regrettez d'avoir fait? Nous avons tendance à oulbier nos gestes les moins bons, mais n'omettez pas de les noter. Cela peut vous encourager à vous montrer plus patient(e).

Voici les questions que mes patients posent au sujet de l'évaluation de l'attachement amoureux:

Q. Au bout de combien de temps la différence se fait-elle sentir?

R. Les changements ne se font pas en une nuit. Il faut généralement 3 ou 4 semaines pour qu'un couple sente ses sentiments changer de façon significative.

Q. J'ai cessé d'aimer mon partenaire, pourquoi n'est-ce pas lui qui devrait changer?

R. Quand nous en voulons à quelqu'un, notre instinct nous porte à moins bien traiter cette personne. Et que se passe-t-il alors? elle se met alors à notre niveau et le couple se retrouve pris dans un cercle vicieux. Pourquoi ne pas montrer l'ex en faisant preuve d'attention? Votre partenaire risque de ne pas répondre tout de suite par la même gentillesse, mais il ou elle finira par se sentir mieux disposé(e) et bientôt prêt(e) à vous rendre la pareille. Et, miracle des miracles, vous aurez lancé un cercle vertueux. Puisque l'un de vous 2 doit faire le premier pas, pourquoi ne serait-ce pas vous?

Andrew G. Marshall

proposé par mamadomi

Lors des années d'avant guerre, Françoise Dolto► fut l'une des 1ères à affirmer qu'un enfant comprend beaucoup de choses bien avant d'être capable de parler. Dès 1946, ◄Jenny Aubry eut à s'occuper d'enfants en détresse, "déposés" à la section des Enfants assistés de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, parce que leur mère était tuberculeuse, délinquante, divorcée ou très pauvre. A cette époque où triomphaient les théories constitutionnalistes, les individus étaient considérés comme des corps robustes ou chétifs. On demandait aux infirmières de toiletter les enfants et de bien les nourrir en évitant toute relation affective. Dans un tel contexte culturel, l'attachement était difficile à penser. Ces enfants au corps sain mais dont l'affectivité était délabrée par cette pensée collective "[...] poussaient des grognements ou des cris dans jamais se regarder. Certains demeuraient immobiles, d'autres se balançaient, d'autres encore léchaient les barreaux de leur lit". 20ans + tard, les nombreuses expérimentations éthologiques expliquaient à quel point l'affection est une véritable biologie périphérique, une sensorialité de gestes, de cris, de mimiques et de mots qui entoure l'enfant, une nourriture affective qui anéantit les enfants qui en sont privés. C'est alors qu'apparaissent "[...] les symptômes discrets ou dramatiques dont souffre l'enfant séparé de sa famille et privé de soins maternels". Les travaux de René Spitz▲ sur l'hospitalisme. ◄John Bowlby sur les enfants séparés de leur mère, ►Donald Winnicott sur la carence affective, ◄Anna Freud et Dorothy Burlingham► sur les orphelins et les sans- famille ont été enseignés dans toutes les facultés de médecine et de psychologie. "Rien n'est joué d'avance", disait déjà Jenny Aubry qui a rencontré Anna Freud et travaillé avec John Bowlby, psychanalyste, éthologue et impulseur de recherches sur la résilience.

Au début, il a fallu convaincre de nombreux responsables administratifs et politiques que le fait de ne pas s'occuper de ces petits carencés les mènerait à la délinquance ou à une sorte d'autisme. Et puis soudain la culture a trop bien accepté  cet argument et la carence affective est devenue l'explication de tous les troubles. 50ans + tard, certains penseurs fixistes attribuent encore un destin fatal à ces enfants mal partis, stigmatisés par leur traumatisme. Ceux qui pensent ainsi rejoignent le bataillon des politiciens qui disent:

"Ces enfants ne méritent ni l'eau ni le pain

qu'on leur donne en prison."

Il est difficile d'établir une relation de cause à effet à si longue échéance. Si l'on ne fait rien, il est clair qu'un groupe d'enfants abandonnés fournira plus de délinquants qu'un groupe d'enfants entourés.

Mais est-ce que la délinquance s'enracine

dans la carence affective

ou dans la socialisation catastrophique

de ces enfants abandonnés?

◄Michael Rutter a eu l'idée de suivre l'évolution d'un groupe d'enfants carencés parce que leurs parents malades mentaux, n'avaient pas la force de s'en occuper. Ces enfants, privés d'affection mais non désocialisés grâce à l'aide sociale que recevait leur famille, ne sont pas devenus délinquants. Mais leur style d'attachement fortement altéré par la souffrance des parents a induit un développement difficile dont certains se sont sortis, au prix d'une stratégie coûteuse.

par Rassouli►

"J'ai + souffert de la perte d'amour que des coups de ma mère, me disait Carlotta. Son manque d'attention me laissait seule au monde. Je ne pouvais même pas apprendre à m'habiller ou à me coiffer puisqu'elle ne me faisait aucune remarque." Dans son désespoir affectif, une étoile brille encore dans la nuit de Carlotta: "J'aurais voulu aimer + mon père. Lui se laissait aimer. Mais il n'était pas là. Un jour, je me suis fait cajoler en disant que j'avais mal au ventre. Mon père a eu peur de l'appendicite. J'étais heureuse de voir son inquiétude. Je me suis laissée opérer. Je savais que c'était pas vrai. J'avais 8ans. Aujourd'hui, ça m'angoisse de me faire aimer de cette manière."

Boris Cyrulnik

proposé par mamadomi

rééd° du 24 04 12